Cloudflare, qui sécurise 20% du web, lance “Pay per Crawl” afin de faire payer les crawlers des IA pour accéder aux contenus qui les alimentent. Un changement majeur pour l’économie des IA et une réponse directe aux critiques des éditeurs et créateurs de contenu. On découvre.
Ce qu’il faut retenir :
- Cloudflare veut faire payer l’exploration des sites internet par les crawlers des IA afin de redistribuer la valeur aux éditeurs qui alimentent OpenAI, Anthropic et consorts.
- Accessible pour le moment en bêta privée, l’initiative ambitieuse entend évoluer au fil des demandes d’accès par les éditeurs de sites et éditeurs d’IA.
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Le constat de Cloudflare : plus d’utilisateurs, moins de trafic
En 10 ans, nous sommes passés de 4 à 6 milliards d’utilisateurs d’Internet. Intuitivement, on pourrait croire que plus de monde en ligne signifie plus de trafic pour les éditeurs. Pourtant, les chiffres racontent une autre histoire :
- Il y a 10 ans :
- Google envoyait 1 visiteur pour 2 pages crawlées.
- Il y a 6 mois :
- Google envoyait 1 visiteur pour 6 pages crawlées
- OpenAI envoyait 1 visiteur pour 250 pages crawlées
- Anthropic envoyait 1 visiteur pour 6000 pages crawlées.
- Aujourd’hui :
- Google envoie 1 visiteur pour 18 pages crawlées,
- OpenAI envoie 1 visiteur pour 1500 pages crawlées,
- Anthropic envoie 1 visiteur pour 60000 pages crawlées.

Pour Matthew Prince (PDF de Cloudflare), le web court à sa perte si les créateurs ne sont plus incités à publier. En cause : l’extraction massive de contenus par les IA, sans contrepartie ni limitation. Au-delà du business, l’enjeu est aussi la souveraineté : qui contrôle la diffusion des savoirs à l’ère de l’IA ? Face à ChatGPT, Gemini ou Claude, de plus en plus d’éditeurs refusent de se faire aspirer sans compensation. Des acteurs comme The Atlantic, TIME ou BuzzFeed ont déjà adopté un blocage par défaut, signe d’une mutation en cours.
Cloudflare lance “Pay Per Crawl”
Jusqu’à présent, les créateurs de contenu avaient le choix entre laisser leur porte grande ouverte ou construire des murs pour se protéger. Mais Cloudflare propose une troisième voie : faire payer l’accès aux robots IA.
Cloudflare propose ainsi aux propriétaires de sites de :
- Autoriser : garantir l’accès gratuit des contenus aux crawlers.
- Faire payer : exiger un paiement au prix configuré pour le domaine.
- Bloquer : Interdire totalement l’accès au contenu, sans possibilité de paiement.
Si le bot ne présente pas de preuve de paiement, il reçoit un code HTTP 402 “Payment Required” accompagné du tarif exigé. S’il accepte, le contenu est servi. Sinon, il passe son chemin. Cette approche vise à redonner la main aux créateurs, qui jusqu’ici subissaient le scraping massif sans compensation.

Les IA vont-elles payer ?
La fonctionnalité est pour le moment disponible en beta privée et Cloudflare encourage les crawlers prêts à payer à les contacter et avance 3 arguments pour les convaincre :
- L’équité : “établissez une relation mutuellement profitable avec les créateurs de contenus“.
- L’innovation : “obtenez l’accès au contenu de haute qualité dont vous avez besoin pour développer la meilleure expérience pour vos utilisateurs”.
- La transparence : “vous n’êtes facturés que pour le contenu que vous sollicitez et qui vous est renvoyé avec succès”.
Même si l’initiative de Cloudflare est louable et techniquement prometteuse, une question fondamentale demeure : les IA devront-elles vraiment payer un jour ? Tant que certains éditeurs — par choix, par ignorance ou par besoin de visibilité — laissent leurs contenus accessibles gratuitement, les modèles d’IA auront toujours de quoi se nourrir sans débourser un centime.
Autrement dit, le système ne fonctionne que si une masse critique d’acteurs y adhère. Et pas n’importe lesquels : il faudrait que les sources les plus précieuses fassent front commun.
Un impact relatif pour les professionnels du Search marketing
Nouveau terrain de jeu chez les SEO
Pay Per Crawl offre de nouvelles opportunités pour le Search Marketing :
- Monétisation directe des contenus : chaque crawl IA peut devenir une source de revenus, même pour les petits éditeurs qui n’avaient pas la force de négociation des grands groupes.
- Fin du scraping sauvage : les IA devront choisir entre payer ou se passer de certains contenus, ce qui pourrait favoriser la qualité et l’originalité.
- Nouvelles stratégies de visibilité : faudra-t-il laisser passer certains robots pour rester visible dans les réponses IA, ou privilégier la monétisation ? Ce sera un arbitrage à faire selon vos objectifs.
Une initiative incompatible avec AI Mode et AI Overviews
Même si cette initiative est intéressante pour les crawlers d’OpenAI ou d’Anthropic, elle ne peut s’appliquer aux AI Overviews et à l’AI Mode : les deux solutions IA de Google reposent sur l’index de Google, issu du crawl de GoogleBot. On imagine mal Google payer pour accéder à vos pages avec GoogleBot.
Une démarche qui va au-delà des intérêts financiers ?
Officiellement, Cloudflare n’aurait aucun intérêt financier direct dans l’introduction de “Pay per Crawl”. Matthew Prince, son PDG, l’a affirmé sans détour :
« Je ne fais pas ça pour l’argent. Si c’était le cas, je ne serais même plus là. »
L’homme, qui revendique avoir “bâti une entreprise de 60 milliards de dollars sur le Web”, se présente en défenseur du contenu original, soucieux de préserver les incitations à créer face à l’essor des IA génératives. Cloudflare irait même jusqu’à offrir gratuitement des outils de blocage des bots IA, dans un geste quasi militant.
Mais difficile de ne pas relever que cette posture “sauveuse du Web” sert aussi des intérêts stratégiques évidents :
- Elle place Cloudflare au cœur d’un nouveau rapport de force entre éditeurs et IA.
- Elle redore son image auprès des médias, en se posant en alternatif éthique à Google.
- Elle pourrait créer, à terme, une position de quasi-gardien des accès aux contenus du Web.
Le discours est fort. L’intention semble sincère. Mais la manœuvre pourrait aussi redéfinir les rapports de pouvoir en ligne — au profit de ceux qui contrôlent les tuyaux.
Découvrez l’interview de Matthew Prince, CEO de Cloudflare (merci à Mathieu Chapon de Peak Ace d’avoir spotté la vidéo) :
L’article “Cloudflare lance « Pay per Crawl » pour facturer les IA qui crawlent vos contenus” a été publié sur le site Abondance.